Le BURNOUT

Samedi 18 Janvier 2014   

Café de Société à la médiathèque Anne Fontaine, Antony

LE BURNOUT - MAL DU SIÈCLE,  MAL DE CIVILISATION ?
Invité : Pascal CHABOT, philosophe belge, auteur de GLOBAL BURN-OUT

Normalement tout ce qui touche au TRAVAIL est traité par des sociologues, et le BURNOUT est une maladie du travail, une maladie de trop de travail, de trop d’investissement de soi de l’individu en quête désespérante de reconnaissance. Il est donc exceptionnel qu’un philosophe s’empare du sujet et qu’il l’aborde d’emblée sous l’angle d’un mal de civilisation, à l’encontre de la doxa dominante qui veut y voir une pathologie de l’individu.
Pascal Chabot est un philosophe atypique, en marge des voies académiques, il a écrit sa thèse de doctorat - et plus tard un livre - sur ce philosophe méconnu Gilbert SIMONDON, le philosophe des techniques et des technologies. En 2012 il co-réalise avec François Lagarde le film “Simondon du désert” basé sur son livre « la philosophie de Simondon ». Actuellement il enseigne à  l'Institut des hautes études de communication sociale (l’IHECS) à Bruxelles). Dès la sortie de « Global burnout » debut 2013, Psychologies Magazine lui décerne le prix du meilleur essai. Aujourd’hui il est nommé sur les listes du prix PROCOP, le fameux café où se sont réunis les philosophes des LUMIÈRES. Belle référence ! Actuellement il travaille avec Jean Lemaire sur la réalisation d’un film inspiré de son livre “Global Burnout”.
Que révèle le burnout du travail et de notre société ? Avant d'être un problème individuel, le burn-out est d'abord une pathologie de civilisation, car l’humain est devenu une ressource (exploitable comme les ressources de la planète), et qui plus est une ressource surnuméraire, et donc remplaçable. Pascal Chabot critique un "travail sans fin": sans limite ni finalité. Le travailleur est en butte au culte de la performance, en proie à une totale perte de sens. Cette maladie qui touche en priorité ceux (et surtout celles) qui soignent, qui aident, qui éduquent, atteint le cœur de notre civilisation.

PHILOMAGAZINE, article  du 17/1/2013:
 
 C’est une histoire de feu, d’un feu intérieur qui consume l’homme au travail. Un jour, brutalement, il tombe en cendres dans la froideur du management moderne. On appelle cette épidémie, car c’en est une, le « burn-out » (la fin d’un incendie) ou « épuisement professionnel ». Il atteint les meilleurs d’entre nous, les plus motivés, compétents, responsables, qui ont une vie privée et matérielle ordinairement agréables. Mais un matin, le corps refuse de bouger, impossible de marcher ou d’allumer son ordinateur, une crise de larmes oblige à garer la voiture sur la bande d’arrêt d’urgence. Arrêt d’urgence. Le grand vide.
 Que raconte le burn-out du travail, de notre société, de notre civilisation même ? Pascal Chabot s’empare du sujet en philosophe, lui donnant une profondeur inédite. D’emblée, il aborde le burn-out comme un « mal de civilisation », miroir de notre temps. Son diagnostic est clair : le burn-out est la maladie du « trop ». Trop de travail, trop de consommation, trop d’exploitation de la planète, trop d’accélération, trop de course à la reconnaissance, trop d’exigences d’adaptation et de profit. Et si elle touche en priorité ceux (et surtout celles) qui soignent, qui aident, qui éduquent, elle atteint le cœur d’une civilisation.
 En cent cinquante pages d’une écriture fine et limpide, Pascal Chabot tire les fils un à un, en cherchant d’abord la généalogie de la notion. « L’inventeur » du burn-out est un psychiatre américain, Herbert Freudenberger, qui, dans les années 1970 à New York, travaillait auprès des toxicomanes. « Burn-out » qualifiait pour les psys l’état de patients « cramés » par l’abus de drogues dures. Cette expression, Freudenberger se l’est appliquée à lui-même lorsqu’un jour, saisi par une insondable angoisse, il n’a pas pu se lever.
 Une autre acception du terme, plus surprenante, est fournie par un roman de Graham Greene, A Burnt-Out Case (1960, en français La Saison des pluies, Robert Laffont, 2007), où un architecte, fatigué de trop de travail et de succès, plaque tout pour se retrouver dans une léproserie au Congo. Le romancier établit un parallèle entre l’état de son héros et celui des lépreux, le terme « burnt-out » désignant médicalement le stade où la maladie s’arrête après avoir « brûlé » tout ce qu’elle pouvait dans un corps. Voilà d’où vient « notre » burn-out au travail : du vocabulaire de l’addiction et d’un mot qui parle des lépreux, rejetés, dangereux, surnuméraires…
 Enfin, Pascal Chabot a trouvé dans la théologie catholique l’ancêtre du burn-out : l’acédie (du grec akedeia, « indifférence »), cette tiédeur de l’âme qui peut saisir le plus fervent des moines et lui faire perdre la foi. Dans une Église qui promeut la passion de Dieu, l’acédie est péché de froideur ; dans un monde qui idolâtre les glaciales rationalités du management et de la rentabilité, le burn-out est délit de surchauffe. Les deux, remarque Chabot, sont contestation des valeurs dominantes. Les deux sont fatigues spirituelles, « le mal des croyants » tombés dans le vide de la perte de sens.
 Est-ce la faute au « système » ou à la fragilité du travailleur ? En philosophe, Chabot, inspiré par Georges Simondon (1924-1989), grand penseur de la technique, examine la relation entre les deux et esquisse une voie pour sortir du burn-out, vers une métaphysique de l’équilibre pour l’individu et vers un nouveau « pacte » humaniste avec la technique. Mais là, entre la vertu du yoga et celle des managers mondiaux, il nous laisse un peu… tièdes. Reste une forte conviction : « c’est le travail qu’il faut défendre ».

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