Une nouvelle sagesse

Sujet du 5 Avril 2008

UNE NOUVELLE SAGESSE FACE AUX NOUVELLES TECHNOLOGIES ? Comment se réapproprier la pensée et l’action dans l’empire de la technoscience ?
Michel PUECH, auteur de « HOMO SAPIENS TECHNOLOGICUS »
Michel Puech est philosophe de formation classique, puis il s'est intéressé à la philosophie des sciences et des techniques sous l'angle d'une analyse critique de la modernité. Il est maître de conférences à La Sorbonne et à l’Institut des Sciences Politiques et l’auteur d’un ouvrage de vulgarisation philosophique remarqué "La philo en clair" paru aux éditions Ellipses. Son souci est l’accès de tous à la philosophie et c’est dans ce souci qu’il a écrit dans la collection des Goûters philo toute une série d’essais sur des thèmes philosophiques accessibles aux adolescents.
 
C’est pour la première fois que nous invitons un philosophe qui a une approche positive des nouvelles technologies, alors que nos précédents invités comme Olivier Rey ou Christian Godin qui ont écrit sur ce thème mettent plutôt en garde contre les dérives de la technoscience.
Au premier abord l’approche de Michel Puech peut surprendre, puisqu’il dit NON au TOUJOURS PLUS d’une croissance productiviste tout en disant OUI aux potentiels qu’offrent les nouvelles technologies.
L’objectif de son ouvrage HOMO SAPIENS TECHNOLOGICUS est de dédramatiser un discours actuel qui balance entre TECHNOPHOBIE et TECHNOPHILIE, entre les extrêmes donc, alors que les technologies ne sont en elles-mêmes ni bonnes ni mauvaises – tout dépend de ce que nous en faisons. L’essor de la pédophilie ou de la pornographie n’est pas la faute de l’internet mais des lois du commerce. D’où l’importance d’ intégrer à bon escient ces nouvelles technologies dans nos vies. Sans faire de la FUTOROLOGIE il faut commencer par comprendre et s’approprier tout le potentiel que nous offrent l’ordinateur, le téléphone portable, le micro-onde, le lave-linge et autres appareils électroménagers dont on ne veut plus se passer.
Il s’agit aussi de saisir les opportunités qu’offre le BIOMÉDICAL. Il est possible aujourd’hui pour un homme de vivre, alors que son cœur est mort. Un homme greffé ou appareillé est quand même avant tout un homme en bonne santé tout autant qu’un porteur de lunettes ou une femme sous pilule.
Notre faiblesse réside plutôt dans le fait que nous avons acquis une nouvelle PUISSANCE et pas assez de MAÎTRISE de ces nouvelles potentialités.
Et pourquoi ?
Parce que nous sommes englués dans une morale désuète, dit Michel Puech, dans une éthique ou des idéologies qui ont pris quelques trains de retard sur l’évolution de nos savoirs.
Il en donne deux exemples (p. 300).
Le premier concerne les embryons congelés produits par les nouvelles méthodes de reproduction artificielle et qui sont sans « projet parental ». Au nom d’une idéologie religieuse on doit les mettre à la poubelle plutôt que d’en extraire des cellules qui seraient utiles pour la thérapeutique ou la recherche. Et à l’auteur de demander : « à quand les cimetières pour embryons ? »
Le 2e exemple concerne le secret médical enseigné aux étudiants de médecine en cours d’éthique : on prend comme cas de figure un médecin qui auraient comme patients à la fois un homme séropositif et sa femme. Mais il est interdit au médecin de violer le secret médical, même s’il s’agit de sauver la vie de son épouse en la mettant en garde contre son mari porteur du virus du SIDA.
Venons en à la nouvelle sagesse face aux nouvelles technologies . (M. Puech préfère remplacer le « face aux ….» par « avec », puisque les nouvelles technologies font partie intégrante de notre vie)
Il est un fait que nous habitons un monde d’abondance matérielle et informationnelle. Nous ne vivons plus à une époque où en mangeant deux fois plus nous irions deux fois mieux. C’est le contraire.
Selon l’auteur il s’agit d’habiter ce nouveau monde d’ABONDANCE sur le mode de la frugalité et de la simplicité, de consommer moins, jeter moins, prendre soin de soi, de son corps et de son environnement.
Il faut arrêter de dire que nous ne pouvons rien faire, car une multitude de MICRO-ACTIONS valent mieux qu’une multitude de micro-inactions. Nous sommes donc tous responsables de ce qui se passe dans le monde par notre façon d’agir ou de ne pas agir. Il s’agit donc de la réhabilitation de la responsabilité civile des ANONYMES. « LE POUVOIR EST AU BOUT DE LA CARTE DE CRÉDIT » ou « LA LIBERTÉ EST AU BOUT DE LA TELÉCOMMANDE », dit-il
Il s’agit aussi de se réapproprier les décisions au lieu de faire confiance aux EXPERTS, car les experts ne sont là que pour cautionner scientifiquement des choix qui sont déjà faits.
Mais la question est justement comment choisir les bonnes informations dans le flot des informations contradictoires ? Comment ne pas se laisser manipuler par les marchands d’opinions ? Car le plus souvent les  experts sont achetés par les grandes multinationales, ce que le reportage récent de Marie Monique Robin sur MONSANTO a bien montré.
Comment un simple citoyen peut faire pour que les choix technologiques ne sont pas tout simplement réduits à des choix économiques ?
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