Autoananlyse ou psychanalyse ?

Mardi 28 JUIN 2011 à 19H15

INVITÉ : Charles PÉPIN, philosophe, auteur de « LES PHILOSOPHES SUR LE DIVAN. QUAND FREUD RENCONTRE PLATON, KANT, SARTRE »

THÈME : PSYCHANALYSE FREUDIENNE - ou SARTRIENNE ? L’AUTOANALYSE OU PSYCHANALYSE ?

Charles PEPIN est un passeur de philosophie, agrégé de philosophie, il l‘enseigne au lycée d’État de St Denis et à l’Institut d’Etudes Politiques, il écrit dans Philo-Magazine, mais aussi dans Elle ou Psychologie Magazine. Il anime également un séminaire philosophique au cinéma MK2 Hautefeuille, Paris 6e, les lundis à 18H.
Il contribue à rendre la philosophie populaire, accessible à tous, ce que nous nous proposons également aux RDA.
Ce qu’on sait moins de C.Pépin c’est qu’il est aussi romancier et a commencé par écrire 2 romans : Descente (1999, à 26 ans) et Les infidèles (2002). En 2010 ont paru "Ceci n'est pas un manuel de philosophie" et "Qu'est-ce que avoir du pouvoir ?" pour lequel nous l’avons invité ici en janvier. Aujourd’hui il sera question d’un livre très original « LES PHILOSOPHES SUR LE DIVAN. QUAND FREUD RENCONTRE PLATON, KANT, SARTRE » (2008, Flammarion). Voir les grands philosophes allongés sur un divan cela les rend plus proches de nous. Mais rassurez-vous il ne s’agit pas du CRÉPUSCULE D’UNE IDOLE cher à Michel Onfray qui s’attaque à Freud pour le déboulonner. Charles Pépin ne veut pas faire tomber les grandes figures de la pensée occidentale, mais simplement les rendre plus humains en inscrivant leur philosophie dans leur corps et leur vécu. Pour ce faire il met en scène une rencontre entre nos grands penseurs – Freud, Platon Kant et Sartre - dans le cabinet imaginé de Freud à Paris, mais tous les dialogues sont minutieusement documentés, il n’invente rien, tout est basé sur des recherches sérieuses.

Psychanalyse ou autoanalyse ? Voilà la question clef en ces temps où la psychanalyse est très malmenée. En fait on aurait pu dire psychanalyse ou analyse existentielle, car c’est le concept que propose Sartre pour remplacer la psychanalyse, une théorie qui trouve pas mal d’émules aux Etats-Unis.
On sait que Sartre s’est farouchement opposé à la psychanalyse freudienne.
En pleine guerre mondiale, Sartre passe son temps à réfuter la théorie de Freud sur l’inconscient . « L’INCONSCIENT N’EXISTE PAS ». écrit-il dans son opus magnum en philosophie, L’ÊTRE ET LE NÉANT paru en 1943, et aussi : « Être, c’est ne pas ÊTRE ». En d’autres termes il réfute tout déterminisme. L’homme est en projet constant et ne se détermine que par ses actes. « Nous sommes jetés dans la vie et condamnés à être libres ». Tout en contredisant Freud il construit sa propre philosophie de l’EXISTENTIALISME. Il est CONTRE FEUD, mais tout CONTRE, car en fait fasciné par cette pensée. La preuve en est qu’il écrit un scénario de plus de 1000 pages sur FREUD que John HUSTON lui a commandé. Mais Huston a commandé un scénario, et non un monument de1000 pages qu’il n’a probablement jamais lues. Il engage donc un autre scénariste, et ce film sur FREUD à la sauce hollywoodienne ne sera jamais signé par SARTRE furieux et vexé.
Ce que Sartre réfute dans la théorie freudienne ce n’est pas seulement l’inconscient et le complexe d’Œdipe , c’est le fait même que notre passé familial et social soit déterminant pour notre vie. Renversant la donne, Sartre mise sur l’avenir et non le passé. Ce sont nos PROJETS DE VIE et nos actes qui font de nous des êtres auto-déterminés. Tous les jours l’homme fait le choix de ce qu’il fait et donc de ce qu’il est, comme le garçon de café qui tous les matins choisit de servir les clients. Pour l’analyse EXISTENTIELLE c’est donc l’AVENIR et non le PASSÉ qui est déterminant.
Pourtant à 50 ans passés SARTRE se penche sur son passé d’enfant s’arrêtant net à l’âge de 12 ans. Il écrit enfin ce beau petit livre « LES MOTS » (paru en 1964, commencé en 1952) qui contient tous les ingrédients de sa névrose et explique, entre autres, son hantise du regard de l’autre (sa laideur a dû lui poser des problèmes) ou son rapport aux femmes, rapport à la fois possessif et collectionneur. Il n’est pas anodin qu’il a dormi dans la chambre de sa mère jusqu’à l’âge de 10 ans – et qu’il était adulé non seulement par cette mère-enfant mais aussi par son grand-père qui a remplacé le père mort quand Sartre avait seulement un an. Et c’est d’ailleurs à cause de cette absence du père qu’il prétend ne pas avoir de SURMOI, ce qui lui permet de remettre en question toute la théorie du complexe d’Œdipe de Freud.

Autre livre qui en dit long sur la recherche d’identité de Sartre c’est « L’idiot de la famille œuvre monumentale sur l’auteur de Madame Bovary – il en a écrit plusieurs tomes dont les deux derniers est restés inachevés . Pourquoi cette fascination pour Flaubert? Parce que Flaubert était l’antidote de Sartre: Un écrivain bourgeois et non engagé, tout ce qu’il ne voulait pas être et qu’il détestait même. Aussi Flaubert, contrairement à Sartre, a eu une enfance épouvantable, rejeté par tout le monde, contrairement à l’enfant Sartre adulé par son entourage. Et Sartre était taraudé par la question pourquoi Flaubert est devenu un grand écrivain à succès MALGRÉ son enfance malheureuse. Et jusqu’à sa mort il cherche à en percer le secret.
Voilà quelques pistes pour le thème autoanalyse ou psychanalyse ? Question à laquelle Charles Pépin va répondre par une option en faveur de la psychanalyse sans pour autant déboulonner Sartre, car il ne se prend pas pour un juge mais pour un simple observateur.
 

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