La fabrique de l'homme amélioré

VENDREDI 23 AVRIL 2010 à 20.45H

MAISON DE L’AMÉRIQUE LATINE,
217, Bd. St. Germain, Paris 7e, métro Solferino, rue du Bac
 
INVITÉ : MIGUEL BENASAYAG, philosophe, psychanalyste, médecin
THÈME : LA FABRIQUE DE « L’ HOMME AMÉLIORÉ «  - RÊVE OU CAUCHEMAR ?
A propos du nouveau livre deMiguel BENASAYAG ORGANISMES ET ARTEFACTS – LA VIRTUALISATION DU VIVANT?

Miguel Benasayag, est Argentin, ancien guérillero guévariste et résistant à la dictature militaire qui sévit en Argentine de 1976 à 1983. militaire Il a passé 4 ans dans les geôles de la junte. Torturé, puis libéré par chance, il s’est réfugié en France, où il s’est consacré aux études de philosophie, de psychanalyste et de pédopsychiatrie.
A Paris il anime aujourd’hui le collectif «Malgré tout», il s’est non seulement engagé contre la « Chasse aux enfants » des travailleurs sans papier, mais aussi pour les Indiens sans terre au Brésil.
En tant qu’homme des sciences il dirige à Buenos Aires - où il passe trois mois par an - le laboratoire « Le champ biologique ».
En tant que psychiatre et psychanalyste il est dans la lignée de la contre psychiatrie, celle de l’ANTI-ŒDIPE, chère à Gilles DELEUZE et Félix GUATTARI. C’est un chercheur et passeur de désirs et de vie. Il travaille également dans le domaine de la neurophysiologie, de l’intelligence et de la vie artificielle, et c’est de cela que parle son dernier essai « Organismes et artefacts - La virtualisation du vivant ? ».
On comprend que Miguel BENASAYAG n’est pas un philosophe ni un psychanalyste dans sa tour d’ivoire, mais un homme du terrain et de tous les combats pour qui philosophie et psychanalyse signifient agir sur le réel. Un de ses livres – il en a publié une vingtaine - s’appelle justement « CONNAÎTRE EST AGIR » (2006) coécrit avec sa femme Angélique DeL Rey, invitée des Rencontres et Débats Autrement trois fois, et deux fois pour des livres co-écrits avec Miguel Benasayag, le premier étant: « PLUS JAMAIS SEUL  le phénomène du téléphone portable » (2006), le deuxième porte le beau titre «  »  paru en 2007.
 
Non seulement Miguel Benasayag est un homme de tous les combats, il est aussi partisan de la pluridisciplinarité qui mêle médecine, neurosciences, philosophie et psychanalyse. En spinoziste il croit à l’unité du corps et de l’âme, ce qui n’est pas tout à fait dans l’esprit du temps avec son utilitarisme qui réduit l’homme à une sorte de robot performant, flexible et mobile. Et ce sont les performances de l’homme – un homme amélioré - qu’on cherche aujourd’hui à optimiser avec la techno-science. On sait que la recherche et les chercheurs dépendent de l’économie. Par conséquent ils sont susceptibles de faire des recherches qu’on leur demande de faire, afin d’ obtenir les financements. D’où le danger.
C’est ainsi que depuis les années 1980, la recherche sur la vie et l’intelligence artificielle a fait des avancées spectaculaires. Grâce au génie génétique et aux neurosciences, les chercheurs se proposent aujourd’hui d’ « améliorer» la nature humaine, y compris la pensée. On sait que les hommes ont créé des dieux à leur image, pourquoi ne créeraient-ils pas d’autres hommes à leur image ? Les chercheurs annoncent qu’il sera bientôt possible de donner la vue aux aveugles, de faire entendre les sourds ou de faire marcher les paralytiques.
La question est jusqu’où un homme amélioré reste-t-il un homme ? Transformer la nature et l’environnement c’est une chose. Transformer notre propre nature, celle de l’espèce humaine, en est une autre.
On peut imaginer aujourd’hui de fabriquer des avatars comme dans les jeux vidéo, des sortes de robots idéalisés, qui pourront p.ex. faire des démarches administratives pour nous, et pourquoi pas se charger aussi des consultations médicales ? Cela fera en tout cas gagner bcp de temps.
Et puisque l’homme moderne, solitaire et stressé, semble être en manque d’amour et d’affection, on rêve de fabriquer des petits robots affectueux, des robots de compagnie qui pourront intervenir utilement dans des maisons de retraite ou sur les lieux de travail - peut-être y aura-t- il alors moins de suicides.
L’idéologie volontariste du « tout est possible » n’a pas de limites. En voulant reproduire la vie et la conscience comme s’il s’agissait de simples logiciels, l’homme met le doigt dans un engrenage d’une complexité infinie qui est celle du vivant. On ne peut pas concevoir le vivant comme simple hardware et software, le hardware serait le corps et le software l’âme ou la conscience. L’homme n’est pas une table rase – un homme sans qualités (titre du roman de Robert Musil). On ne peut pas simplement y ajouter certaines qualités pour l’améliorer.
D’ailleurs qui décide de quelles qualités il doit s’agir ? Est-ce qu’on va faire des robots humains plus flexibles, plus performants et plus mobiles ? Est-ce qu’on va réduire l’homme à une ressource humaine améliorée ? La tentation est grande chez les financeurs mais aussi chez les chercheurs qui en dépendent. Autant de questions soulevées dans cet essai de M.B. où il cherche à esquisser les bases pour une nouvelle épistémologie (philosophie des sciences).
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