Les nanotechnologie, une affaire de citoyens

Vendredi 22Octobre 2010
Café du Pont Neuf

SUJET: Les nanotechnologies, une affaire des Citoyens

INVITEE: Bernadette BENSAUDE-VINCENT est philosophe des sciences, enseigne l’histoire et la philosophie des sciences à la Sorbonne (Paris I) et fait partie d’un comité d’éthique au CNRS. Le titre de son dernier ouvrage fait programme : «Les vertiges de la technoscience : Façonner le monde atome par atome » (éditions La Découverte, 2009). Elle est surtout présidente de VIVAGORA*, association qui s’est engagée dans la mise en débat public des nanotechnologies dès 2005. Elle veut donc faire des NANOTECHNOLOGIES une affaire publique où les CITOYENS sont appelés à s’impliquer, non seulement en tant que public facilement influençable, voire manipulable, mais en tant qu’acteur créatif faisant des propositions.
La question se pose en effet si nous voulons laisser ce monde aux mains des intérêts financiers régis par la logique entrepreneuriale, ou si nous voulons être partie prenante dans ce débat, et ceci sans servir seulement de faire-valoir ou de paravent aux intérêts financiers en jeu.
Les valeurs dominantes de nos sociétés vont dans le sens de la performance individuelle ou collective. Il faut être compétitif non seulement entre individus, mais aussi entre entreprises ou entre états. Aux Etats-Unis un tiers du budget des nanotechnologies est alloué au département de la DÉFENSE !
Dans cet esprit de compétitivité générale pourquoi ne pas doper les capacités de notre corps ou de notre cerveau pour augmenter nos performances ? Et tant mieux si la technoscience nous en donne la possibilité, diront les technophiles.
Les promoteurs des nanotechnologies ont ceci de séduisant c’est qu’ils promettent de résoudre tous les grands problèmes de l’humanité, celui de l’eau potable, de l’énergie, de la santé, de l’écologie, bref, il nous font croire au MEILLEUR DES NANOMONDES selon le titre du dernier livre de Dorothée BENOIT BROWAEYS, déléguée générale de Vivagora, qui sera notre invitée début 2011.
Il ne s’agit pas d’être technophobe ou technophile, mais simplement être informé des incertitudes que les NANOS impliquent. Car avec la technoscience nous sommes devant l’ouverture de tous les POSSIBLES. Que devient p.ex. notre LIBERTÉ individuelle - à laquelle nous tenons tant – par rapport aux puces implantables dans les marchandises ou dans notre corps ? Nous avons beau être des profanes, mais nous nous avons des VALEURS, et il s’agit de les faire respecter.
Or face à ces enjeux énormes que peuvent faire les citoyens ? A peine 10% de la population ont entendu parler des nanotechnologies. Ce qui veut dire que nos sociétés sont en train d’être reconfigurées à notre insu et que les grands choix de société se font sans nous.
Il s’agit par conséquent de « CIVILISER » les technosciences qui sont en train de construire « un monde peuplé d’automates performants et peu pensants ».
Première étape pour faire participer les citoyens au débat public c’est de les intéresser. C’est ce que nous essayons de faire avec nos modestes moyens et en invitant une grande dame de la philosophie des sciences qui a tout récemment reçu la Légion d’Honneur des mains du philosophe Michel SERRE.
QUESTIONS :
Comment faire pour que l’engagement des citoyens dans le débat public ne se réduise pas à un simple faire valoir des experts ou à un rituel d’acclamations?
Comment résister à la manipulation de l’opinion publique (Voir « La science contre l’opinion : histoire d’un divorce » de B.B.V., Seuil, 2003), vu que des budgets mirobolants sont alloués à des chercheurs chargés d’examiner comment se fabrique l’opinion publique (DAVID BERUBE, 1,4 millionde $)
 
*Fondée en 2003, l’association VivAgora agit pour la mise en démocratie des choix scientifiques et techniques. Elle explore et révèle les enjeux sociétaux des innovations technologiques par l’exercice du débat public multiacteurs. Elle promeut l’engagement citoyen dans la gouvernance des technologies et considère que la montée en compétence et en influence de la société civile peut construire des priorités durables, humaines et solidaires.
 
VivAgora s’est engagée dans la mise en débat public des nanotechnologies dès 2005. Convaincue que les nanotechnologies sont de nature à transformer en profondeur les liens sociaux et les conditions de vie, elle estime urgent de faciliter l’appropriation par les citoyens de leurs enjeux. Il s’agit de faire des nanotechnologies une « affaire publique », ce qui implique de développer de nouveaux modes de gouvernance, transparents, ouverts et participatifs dans tous les secteurs concernés (transports, énergies, médecine, cosmétique, agro-alimentaire…).
 
*VivAgora se focalise sur le vivant et propose de fonder une nouvelle relation de la société à l’innovation en plaçant l’homme et sa qualité de vie au cœur des préoccupations. Cet effort implique de « socialiser l’innovation » et de
 donner « du sens », c’est-à-dire permettre aux citoyens de s’emparer des enjeux technologiques, et de s’exprimer pour définir le « souhaitable » parmi tous les « possibles ».
Cela suppose
 Développer des projets en ajustant logiques d’innovation et logiques sociales.
Cela implique des stratégies à l’écoute des contraintes mais aussi des aspirations et des désirs.
 Proposer les instruments pour que le débat social ait prise sur les choix scientifiques et techniques.
Pour relever ces défis, encore faut-il que les gouvernements et les citoyens puissent avoir prise sur des innovations invisibles, pervasives et sans traçabilité !
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