Notre poison quotidien
Jeudi 29 Septembre 2011
Notre poison quotidien, un film à charge contre l’industrie chimique
Après "Le Monde selon Monsanto", la journaliste Marie-Monique Robin s’attaque aux produits chimiques présents dans nos aliments.
Au cœur de sa nouvelle enquête il y a une question fondamentale : comment les produits chimiques qui contaminent notre chaîne alimentaire sont-ils testés, évalués, puis réglementés?
M.M. ROBIN : “J’ai pu constater que le système de réglementation était inopérant. Ces agences de réglementation telles que “Food and Drug Administration” ou « l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments”, se fient aux études de toxicité produites par les entreprises qui bien souvent sont fausses. »
Des effets collatéraux au nom du progrès
De la Marie-Monique Robin a recueilli les témoignages de tous les experts impliqués dans le système de règlementation, la recherche ou l’utilisation des produits chimiques. Et les a mis face à leurs contradictions: les décisions de l’OMS basées sur des études confidentielles fournies par les industriels qui emploie des experts également salariés dans des entreprises utilisant des produits chimiques, les listes de produits cancérigènes du Circ qui ne correspondent pas aux conclusions de certains de leurs rapports…
«La littérature scientifique est polluée par des études faites sur mesure pour l’industrie», dénonce Marie-Monique Robin. Et lorsque les autorités, Efsa ou OMS, tentent de fixer des limites de consommation des produits chimiques, « doses journalières admissibles » ou «limites maximales de résidus», la complexité de la tâche les transforme en «acrobates des limites»: «Nous sommes dans une société du risque où nous acceptons des effets collatéraux au nom du progrès», analyse Marie-Monique Robin.
Un effet cocktail encore mal connu
Si «la dose fait le poison», il semble qu’aujourd’hui nous ne sachions même plus quelle dose nous ingérons réellement. Les réglementateurs « font de leur mieux », comme l’avoue une experte de la mais les controverses autour du Bisphénol A ou de l’aspartame prouvent que leurs effets sur la santé humaine sont encore mal connus ou minimisés. L’«effet cocktail» des centaines de substances mélangées dans l’alimentation est encore plus flou.
Alors que l’OMS a qualifié d’«épidémie» l’augmentation du nombre de cancers dans les pays développés depuis une trentaine d’années, Marie-Monique Robin veut démontrer qu’il n’est plus possible aujourd’hui de dire que les produits chimiques présents dans l’alimentation n’y sont pas liés. En prenant notamment pour preuve les agriculteurs, victimes «à la source» des produits phytosanitaires, qui sont de plus en plus nombreux à affirmer que les cancers ou les maladies neuro-dégénératives dont ils sont victimes sont causées par les pesticides.
Surtout, ne mangez pas devant ce documentaire. Ou alors bio (sans pesticides). Ne buvez pas de Coca Light non plus (gare à l’aspartame). Et fuyez les contenants en plastique (à cause du vilain Bisphénol A). Il sera alors peut-être plus facile à digérer. Trois ans après le très remarqué Monde selon Monsanto, la nouvelle enquête de la journaliste Marie-Monique Robin frappe fort. On avait rarement vu de façon aussi détaillée comment l’industrie chimique nous fait avaler ses salades.
Pendant deux ans, Marie-Monique Robin a fouillé les études scientifiques, recueilli les témoignages de représentants des agences de réglementation en Amérique du Nord, en Asie et en Europe. Elle a remonté la chaîne alimentaire, depuis le champ du paysan inondé de pesticides (lire) jusqu’à notre assiette. Et découvert que le système d’évaluation et d’homologation des produits chimiques est « totalement inopérant et ne nous protège pas ». D’où des scènes croquignolettes, où l’on voit des membres de la Food and Drug Administration (FDA) américaine ou de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) bafouiller devant la caméra face à leurs contradictions.
La journaliste raconte aussi les pressions visant à maintenir sur le marché des produits hautement toxiques. Où l’on apprend que c’est grâce à — ou à cause de — Donald Rumsfeld que nous nous gavons d’aspartame, cette poudre miracle qui nous met à l’abri des capitons et édulcore les médicaments de nos enfants. Car l’ancien ministre de la Défense de George W. Bush a été le PDG de Searle, la firme qui a inventé la substance. En 1980, la FDA refuse de l’autoriser, la soupçonnant d’être cancérigène. En 1981, Rumsfeld participe à la nomination du nouveau président de la FDA. Laquelle, peu de temps après, déclare l’aspartame sans danger…
Or le film montre que la pollution chimique est la principale cause de l’épidémie de cancers, de maladies neurologiques (Parkinson et Alzheimer), de diabète et de dysfonctionnements de la reproduction qui frappe nos sociétés occidentales. Effarant. Surtout quand on voit les extraits d’un documentaire de 1964 exhumé par Marie-Monique Robin : toutes les questions étaient déjà posées. Cinquante ans et moult alertes plus tard, à quand les vraies réponses
Article d’Audrey Chauvet