Virtuel, mon amour

CAFÉ DE SOCIÉTÉ, le 9 octobre 2010

MÉDIATHÈQUE ANTONY,
Organisé par Rencontres et Débats Autrement
Sujet : QUE DEVIENT LE DÉSIR SUR LES SITES DE RENCONTRES ?
Invité : Serge TISSERON
 
Serge TISSERON est psychanalyste, pédopsychiatre et directeur de recherches à l'Université de Paris-Ouest Nanterre, et auteur d’une trentaine d’ouvrages. Ce qui est moins connu c’est qu’il est également scénariste et dessinateur. Son envie de dessiner est telle qu’il a même présenté sa thèse de médecine sous la forme d’une bande dessinée: "Histoire de la psychiatrie en bandes dessinées". Et ce n’est pas la seule BD à son actif. A ce jour il a publié cinq albums de bandes dessinées et deux ouvrages illustrés destinés aux jeunes enfants.
En tant qu’auteur d’ « ouvrages sérieux» il s’est surtout fait connaître par ses travaux sur la bande dessinée - exemple son célèbre « TINTIN CHEZ LE PSYCHANALYSTE ». - et pour avoir révélé certains secrets de famille bien cachés : "Tintin et les secrets de famille" ou « Secrets de famille, mode d’emploi» qui est devenu bestseller.
A partir de la seule étude des albums de Tintin il a d’ailleurs découvert un secret dans la famille de Hergé, l’auteur de Tintin : le secret d’un garçon non reconnu par son père, et ceci plusieurs années avant la parution de la biographie de Hergé qqui l’a confirmé. Sur la base de ce secret de famille il a ensuite écrit : "La Honte, psychanalyse d’un lien social".
Plus récemment il a co-écrit un ouvrage sur la télévision avec le philosophe Bernard Stiegler: « Faut-il interdire les écrans aux enfants? » Parce que comme Bernard Stiegler Serge Tisseron se bat contre la TV pour les enfants
En 2007 - deux jours après le lancement en France de la Chaîne américaine Baby First - il a lancé une pétition contre cette chaîne de télévision qui a pour cible les enfants à partir de 3 ans pour en faire des consommateurs potentiels.
 
Il y a autre chose qu’il a en commun avec B.Stiegler, c’est cet intérêt pour les Nouvelles Technologies et la manière dont elles changent nos relations à nous-mêmes et aux autres. C’est ce dont il est question dans : « Virtuel, mon amour » , ou encore dans « Qui a peur des jeux vidéo ? »
 
Son tout dernier ouvrage vient de sortir et a comme titre « L’Empathie au coeur du jeu social » où un chapitre est consacré aux sites de rencontres qu’il appelle d’ailleurs « les sites de non rencontres ».
Serge TISSERON sera d’ailleurs notre invité aux RDA lundi 29 novembre pour nous parler de l’EMPATHIE.
Mais aujourd’hui nous allons débattre de la question : QUE DEVIENT LE DÉSIR SUR LES SITES DE RENCONTRES ?

Voici des questions à Serge Tisseron inspirées par la lecture de «Virtuel, mon amour» :

 
- Est-ce que ce DÉSIR sur les sites de rencontres comme Meetic, Second Life, Facebook, My Space, n’est pas davantage celui de se valoriser soi-même aux yeux des autres avec un « profil» en général avantageux, au lieu d’être un désir authentique d’aller à la rencontre d’un Autre « avec ses qualités et ses défauts » ? Est-ce qu’au travers de cette sur valorisation de soi on ne rêve pas plutôt au « prince charmant » ou à la « princesse charmante » - en se disant « Je le vaux bien ! »
 
- Est-ce qu’on n’est pas davantage dans le désir de consommation comme devant la vitrine d’une pâtisserie géante hésitant entre la religieuse, le mille-feuille ou la tarte aux fraises ?
Autrement dit, peut-on échapper au désir de s’empiffrer devant l’abondance de l’offre et donc de multiplier les rencontres sexuelles sans lendemain? Peut-on devenir addict ?
 
- Comment éviter d’être instrumentalisé et d’ instrumentaliser à son tour le partenaire pour en faire soit un objet sexuel, soit en « pourvoyeur de l’estime de soi »?
 
- Dans la recherche d’un partenaire comment échapper au formatage qui prévaut partout dans la société où on nous demande d’être narcissique (promouvoir son image), compétitif, performant et d’optimiser nos investissements?
Puis il y a cet autre formatage opéré par les sites de rencontres qui passe par la mise en fiches de nos goûts, de notre mode de vie, etc. où chacun perd sa singularité, devenant un simple stéréotype classé dans telle ou telle catégorie.
Formatage et désir ne sont-ils pas incompatibles ?
 
- Comment faire pour que cet hypermarché des partenaires potentiels offerts comme sur un plateau ne devienne pas un turnover sans lendemain où l’on se fait jeter et où l’on jette à tour de rôle dans un jeu pas toujours consenti entre prédateurs et proies ?
 
- Comment échapper à la déception quand on attend le coup de foudre programmé, puisqu’on a tout fait pour optimiser ses chances selon des critères bien précis? Surtout lorsqu’on croit tout maîtriser ?
Pourtant comment ne pas être déçu lorsque la rencontre a enfin lieu, car la réalité n’est jamais à la hauteur des fantasmes inspirés par l’échange de textes et de mails où chacun sur valorise son image ?
 
- Devrait-on faire comme les adolescents en inversant l’ordre traditionnel des rencontres en faisant d’abord l’amour et en essayant de se séduire après par l’échange de mails romantiques ? L’éveil du désir n’a-t-il pas besoin de préliminaires de séduction ?
 
- Vous donnez l’exemple de mariages virtuels sur Second Life, où certains vont jusqu’à la mise en scène de leur mariage à travers leurs avatars en invitant leurs amis au cocktail et à la fête, pour ensuite mener leur double vie de double mariage – l’un dans la vie réelle, l’autre dans le monde virtuel. En dehors du problème que cette bigamie pose problème pour la justice, comment expliquer psychanalytiquement ce choix de vivre ensemble sans jamais se rencontrer ?
               
- Comment voyez-vous en tant que psychanalyste le désir des internautes de se créer un avatar sur Second Life qui réalise parfois le rêve d’une vie qu’il aurait pu avoir s’il avait fait un choix de vie différent? Est-ce un exutoire pour des frustrations, est-ce un jeu de rôle qui console ou qui mobilise des énergies qui pourraient servir dans la vraie vie ?
 
- Ne devrait-on pas plutôt chercher des amis sur la toile, des amis qui pourraient peut-être devenir des amours au fur et à mesure qu’on se connaît et qu’on apprend à s’estimer. Avoir plein d’amis peut aussi être gratifiant, Qui ne rêve pas d’être à la fois seul et connecté avec un réseau d’amis important ?
 
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