Le Courage à réinventer ?

Vendredi 3 Septembre 2010, à 19.15h
Mairie du 2e arrondissement

THÈME : LE COURAGE A REINVENTER ?
INVITÉE:CYNTHIA FLEURY,

philosophe, chercheure et enseignante universitaire

CYNTHIA FLEURY enseigne la philosophie politique à l'American University of Paris ainsi qu’a l’Institut d’Études Politiques de Paris.  Dans le cadre du CNRS elle travaille sur les pathologies de la démocratie. Elle est auteure de plusieurs ouvrages dont
Dialoguer avec l’Orient (2004, PUF),
Les Pathologies de la démocratie (Fayard, 2005)
Imagination, imaginaire, imaginal (PUF, 2006).

Son dernier livre LA FIN DU COURAGE, LA RECONQUÊTE D’UNE VERTU DÉMOCRATIQUE, paru aux éditions FAYARD en 2010, trouve un écho auprès d’un vaste public et est très médiatisé.

On aurait pu croire que la notion du COURAGE à l’époque du cynisme et de l’individualisme puisse paraître un peu vieillotte, mais le succès médiatique de Cynthia FLEURY nous apprend le contraire. Peut-être est-ce parce que le DÉCOURAGEMENT face aux dysfonctionnements de notre société a besoin d’un appel d’air. 

Dans la préface de son passionnant essai C.F. écrit cette phrase : « J’AI PERDU LE COURAGE COMME ON PERD SES LUNETTES ». C’est donc un livre qui justement  résulte  d’une phase de DÉCOURAGEMENT, comme nous les connaissons tous. Le Prozac fait de belles recettes. Qui n’a pas connu une période de déprime ou un sentiment d’impuissance, que ce soit sur le lieu du travail  ou en voyant la misère s’installer sur les trottoirs ?  N’avons-nous pas plutôt tendance à nous dire : « à quoi bon ? » Qu’est-ce que je peux bien faire, moi, tout petit rouage d’une société régie par des élites, ces élites qui ont tout intérêt à « fabriquer  le consentement », comme le dit si bien NOAM CHOMSKY dans sa « FABRIQUE DU CONSENTEMENT», un consentement qui nous met dans la SERVITUDE VOLONTAIRE et dans la résignation.

LA FIN DU COURAGE se passe du point d’interrogation. C’est donc l’amer constat de ce mal insidieux qu’est le MANQUE DE COURAGE qui gangrène nos sociétés. Mais penser et analyser clairement une situation c’est aussi se donner les moyens de réagir et peut-être de reconquérir le COURAGE disparu dans nos sociétés de consommation.

Et C.F. constate que c’est notamment le MONDE DU TRAVAIL qui est devenu « le lieu de l’érosion du moi et des structures collectives de résistance. C’est le lieu où s’organise chaque jour la légitimation de la capitulation », écrit-elle. C’est là où « le peuple glisse dans le déshonneur ». Et « ce déshonneur est directement lié au manque de courage ». Cependant « sans le courage le peuple reste sans lieu. » (p.138/39).

Bien sûr, elle ne parle pas seulement du déshonneur du peuple, mais aussi du déshonneur des élites. Néanmoins sans la servitude volontaire ou le manque de courage des citoyens, de nous tous donc, le système ne fonctionnerait pas.

Il faut du courage pour dire non à un abus de pouvoir, face à un patron qui vous demande p. ex. de participer  au harcèlement d’un collègue ou de  faire pression pour augmenter les normes de productivité. Le monde du travail est le lieu par excellence où s’exerce « la Société du Mépris » pour reprendre le titre de l’ouvrage d’AXEL HONETH, directeur de l’Ecole de Francfort. Le manque de reconnaissance du travail des salariés et leur interchangeabilité fabrique les pires dépressions dont les suicides sur les lieux du travail sont symptomatiques.

Qu’est-ce qui peut bien pousser un individu à se suicider sur son lieu de travail, si ce n’est pas un découragement extrême ?

Mais le suicide d’un collègue accuse en même temps le manque de courage de ses collaborateurs. Pourquoi ne l’ont-ils pas davantage soutenu ? Pourquoi cet acte individuel désespéré au lieu d’une défense collective ?

Car pour que le courage  ne devienne pas sacrificiel il faut qu’il débouche sur le collectif. Il y a donc deux grands chapitres dans ce livre :1° la morale du courage où il est question du courage individuel et

2° la politique du courage, qui va de Robespièrre à nos élites politiques actuelles, qui sous prétexte du soi-disant courage de « parler vrai » et de dire tout haut ce que tout le monde pense, deviennent simplement décomplexés.

Ce qui est encourageant – c’est le cas de le dire – c’est qu’avec le courage l’individu se singularise. Un acte de courage fait de nous un SUJET, individu à part entière, on redevient acteur de sa vie, au lieu de subir les asservissements par les autres.

Et c’est seulement si beaucoup d’actes courageux individuels se conjuguent qu’ils ont une chance d’avoir un impact social. On peut penser  à l’Appel des appels initié par Roland Gori, un de nos invités, et relayé par des milliers d’individus dans toute la France.

Merci à Cynthia Fleury pour cet appel à la conscience du citoyen, merci de faire appel à notre courage. Merci de nous rappeler que le COURAGE S’APPLIQUE ET S’ENTRETIENT AU QUOTIDIEN, tout comme la philosophie qui ne se pense pas seulement, mais se pratique aussi, à l’instar de SOCRATE ou de SARTRE. C’est une manière de nous relier à la « chose publique », donc aux autres.

 

 

 


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