Management et Bonheur

Vendredi 20 janvier 2012

CAFÉ DE SOCIÉTÉ  
Bibliothèque de Ste Geneviève des Bois
Cour du Donjon, 91700 Sainte-Geneviève-des-Bois
Thème: QUAND LE NOUVEAU MANAGEMENT PROMET LE BONHEUR
Invitée: Isabelle BOURBOULON, journaliste, spécialisée en économie de l’entreprise. Elle a collaboré au Monde diplomatique, auteure de “LE LIVRE NOIR DU MANAGEMENT”, paru en septembre 2011 aux éditions Bayard.
Le grand atout de ce livre est qu’il est basé sur des enquêtes sur le terrain. En journaliste d’investigation Isabelle Bourboulon va dans les entreprises privées et publiques, fait parler les dirigeants comme les salariés, mais aussi les chercheurs, les sociologues ou les psychanalystes comme Christophe DEJOURS, auteur du bestseller SOUFFRANCE en France, ou Marie PEZÉ, auteur de ILS NE MOURAIENT PAS TOUS, MAIS TOUS ÉTAIENT FRAPPÉS, le sociologue Vincent de GAULEJAC qui a écrit  LA SOCIÉTÉ MALADE DE LA GESTION, le psychologue du travail Yves CLOT, auteur de  LE TRAVAIL À CŒUR, ou l’économiste  « atterré » et alternatif, Frédéric LORDON, dont nous avons montré dimanche dernier sa pièce écrite en sur la crise actuelle « D’un retournement l’autre ».
Savez-vous ce que c’est que le fordisme, le taylorisme ou le toyotisme ? Sinon lisez le livre, tout y est expliqué. Après l’historique du management Isabelle Bourboulon aborde les nouvelles méthodes de management qui sont liées à la FINANCIARISATION de l’économie, autrement dit à l’actionnariat et à la spéculation. Les entreprises sont désormais à la merci de leurs actionnaires, d’où la constante pression sur les salariés et l’intensification des rythmes du travail. Au passage vous saurez ce que signifie un LBO (leverage buy out). Ces nouvelles méthodes de management s’appliquent autant dans le secteur privé que dans le secteur public  sous le nom de NEW PUBLIC MANAGEMENT avec les conséquences désastreuses que nous connaissons: le stress, les maladies cardio-vasculaires, le burn-out, les TMS (les troubles musculaires squelettiques) inconnus auparavant, et jusqu’aux suicides chez Renault, France Telekom, pour ne parler que des plus médiatisés, car trop souvent ils sont mis sur le compte d’une fragilité personnelle.
Tout en promettant le bonheur dans l’entreprise, la réalisation de soi, tout en misant sur l’autonomie, la créativité des salariés, en réalité ce n’est que le résultat chiffré de leur travail qui compte pour l’entreprise. Les employés deviennent une ressource comme le pétrole, d’où le nom de DRH (directeur de ressources humaines). Ils sont pressurés comme des citrons. On vise la stricte rentabilité de l’entreprise avec des licenciements du personnel à la clef. Si le travail peut être fait par moins de personnes on cherchera à se débarrasser de ceux qu’on estime superflus. Ce nouveau management aboutit donc non seulement  à la jetabilité des salariés mais aussi au manque de RECONNAISSANCE et à la perte de SENS de leur travail. Tout ce mal-être fait le bonheur des psychologues, des psychanalystes, des coachs et autres gourous qui viennent à la rescousse de l’entreprise et de ses salariés.
En fait l’insatisfaction des salariés au travail, les nouvelles pathologies, les suicides et le stress générés par le nouveau management est contre-productif. Même les dirigeants d’entreprise, y compris  le Medef , commencent à s’en rendre compte. Le Medef a planché sur la « crise du capital humain » en 2010. Mais rien que l’expression « capital humain » annonce la couleur : l’humain continue à être instrumentalisé. Les Think Tanks patronaux commencent à réfléchir sur « le mal-être anti-productif »  au travail. On veut renverser la vapeur en transformant le manager en simple ANIMATEUR et on parie sur la GOUVERNANCE, autrement dit la participation des salariés aux objectifs de l’entreprise par le dialogue, la participation au capital, etc.
Dans la deuxième partie Isabelle Bourboulon va chercher des exemples de management alternatif favorisant le retour de l’humain dans le travail. A commencer par HEC, la fabrique des dirigeants d’entreprise. Dans ce haut lieu de l’enseignement commercial Eve CHIAPELLO a créé un OBSERVATOIRE DU MANAGEMENT ALTERNATIF et dirige un cours appelé « la majeure alternative ». Ces élèves se dirigent le plus souvent vers le tourisme alternatif, les collectivités locales ou les entreprises  qui visent le développement durable.
Les  syndicats aussi sont prêts à se remettre en cause. Les enquêtes d’Isabelle Bourboulon chez Renault et France Telekom montrent que leurs responsables  cherchent à retrouver la confiance des salariés en se mettant à leur écoute.
Puis elle déniche des entreprises de l’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE (ESS), des SCOP, et des Start-up du numérique comme LA CANTINE qui misent sur le CO-WORKING et veulent mutualiser les ressources du numérique.
En somme ce  « Livre Noir du Management »  n’est en fait pas si noir que ça.
 

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