Savannah Bay

Dimanche 6 février 2011 à l’HÉLICON CAFÉ

SAVANNAH BAY de Marguerite DURAS,
Cette nouvelle interprétation de SAVANNAH BAY est faite en honneur du centenaire de la mort de JLBARRAULT né en 1910 et décédé en 1994.  Marguerite DURAS a rédigé la pièce pour Madeleine RENAUD en 1982. La Première dans la mise en scène de Marguerite Duras a eu lieu en 1983 au théâtre du Rond-Point qui était alors le théâtre de la compagnie RENAUD-BARRAULT. Et c’est Madeleine Renaud et Bulle Ogier qui ont interprété ce beau texte qui est aussi un hommage au couple Renaud-Barrrault.
Aujourd’hui nous avons le privilège d’accueillir MC BARRAULT et GC KESSOUS pour interpéter le rôle de l’actrice qui perd la mémoire et la jeune fille, probablement sa petite fille, qui essaie de la ressusciter .
Je vous présente brièvement les deux comédiennes :
MARIE CHRISTINE BARRAULT est la nièce de Madeleine Renaud et de Jean-Louis Barrault et a commencé sa carrière au théâtre en1965 avec des textes de Max Frisch, Claudel, Tchekhov, Marguerite Duras. Son entrée au cinéma s’est faite avec Eric Rohmer dans « Ma nuit chez Maud » (1967), puis tout le monde se souvient de son rôle emblématique dans le film «Cousin, cousine » de Jean-Charles Tacchella en 1976. Depuis elle a alterné le théâtre, le cinéma (Woody Allen, André Delvaux, Andrzej Wadja…) et la télévision, où elle a incarné des personnages aussi haut en couleur que Marie Curie ou Jenny Marx. Récemment elle a créé un spectacle de chansons au Théâtre des Bouffes du Nord à Paris avec le beau titre « L’Homme Rêvé », tout un programme
 
Guila Clara Kessous a interprété ici même dimanche dernier LE JOURNAL D’HÉLÈNE BERR interprétation à la fois sobre et poignante. Elle est comédienne, metteure en scène et enseignante à Harvard aux Etats-Unis, où elle a d’ailleurs créé une troupe francophone. Elle s’est produite dans plus d’une vingtaine de spectacles en France et à l’étranger. C’est une habituée du festival d’Avignon, où nous l’avons découverte en 2008 dans HILDA, une pièce sur l’esclavage domestique. Naviguant entre la France et les Etats-Unis, elle a pu travailler avec des metteurs en scène aussi prestigieux que John Malkovitch, Daniel Mesguich ou Jean-Pierre Vincent.
 
A l’issue de la représentation vous pouvez avoir un échange avec les deux comédiennes.
En hommage à Jean Louis Barrault Guila Clara Kessous a choisi comme thème du débat : Le rôle de l’artiste dans la société.
 
Pour JL Barrault le rôle du théâtre - donc de lui-même en tant que comédien, metteur en scène et directeur d’une troupe avec ou sans théâtre - était celui du bouffon à l’égard de son roi.
« L’art est révolutionnaire ou n’est pas » disait-il,  un art de contestation, un art populaire aussi.
Et pourtant il s’est fait chasser du théâtre de l’ODEON, l’ancien Théâtre de France, précisément par les contestataires de Mai 68, qui l’accusaient de faire un  « théâtre bourgeois ». Lâché par André Malraux, l’ancien ministre de la Culture, il a dû abandonner la direction du théâtre de l’Odéon en septembre 1968 (après 9 ans de créations inédites (Ionesco, Camus, Kafka entre autres). A la recherche de nouveaux lieux pour sa compagnie RENAUD-BARRAULT il a investi des lieux inédits comme l’ancien Gare d’ORSAY ou le Palais de Glace, l’ex-patinoire des Champs-Elysées, avant qu’on lui concède le théâtre du Rond-Point, après les travaux de transformation de l’ancien Palais de Glace en 1981.
Toute sa vie il a dû déménager avec sa compagnie au rythme d’à peu près tous les dix ans. Ce qui ne l’a pas empêché de perdre son enthousiasme pour le théâtre qu’il appelait aussi :
« LES TRAVAUX PRATIQUES DE L’EXISTENCE » ou
« un LABORATOIRE VIVANT de la SCIENCE DU COMPORTEMENT ».
Il est évident aussi que pour JL Barrault le théâtre avait un rôle à jouer dans la CITÉ, comme l’ancien théâtre grec né pendant une période de guerre très troublée.
 
 Le Monde Littéraire dit:
 
On a retenu son souffle dimanche 30 janvier 2011 lors de la lecture de la pièce « Savannah Bay » de Marguerite Duras que les deux comédiennes, Marie Christine Barrault et Guila Clara Kessous nous offraient en avant-première avant leur départ aux Etats-Unis pour un hommage à Jean Louis Barrault. L’association « Rencontres et débats autrement » présidée par Brigitte Patzold, journaliste au « Monde Diplomatique » recevait les deux interprètes avec bonheur dans une salle pleine à craquer mais qui a su observer un profond silence lors de la représentation. Nous avons tous été ainsi le jeu d’une hallucination collective portée par la voix des deux interprètes qui nous ont menés à cette « pierre blanche » de l’oubli, cette plage du « meurtre » de Savannah. Pièce pour deux femmes écrite par Duras en 1982, elle retrace l’incroyable lien qu’il existe entre une jeune-femme et Madeleine, ancienne comédienne qui ne sait que jouer et rejouer l’épisode de la noyade de sa fille de 17 ans. Mais la vision devient floue lorsque soudain Madeleine se trompe de dates, de jours, … Voilà que l’enfant, cet enfant de la noyée ressemble étrangement à cette jeune-femme qui questionne….voilà que Madeleine raconte qu’elle tourne un film…voilà qu’elle dit qu’elle est comédienne : « Oui, comédienne de théâtre, c’est ce que j’étais… Sinon rien ». 
Ode au théâtre, ode à la vie, cette pièce avait été écrite pour Madeleine Renaud qui l’interpréta à l’âge de 83 ans. C’est une Madeleine bien plus robuste et plus jeune que nous propose Marie Christine Barrault qui nous offre ici l’opportunité d’admirer la maîtrise d’un phrasé qui va du plus pathétique au plus loufoque quand elle se moque d’elle-même en tant que comédienne. La jeune femme est brillamment interprétée par Guila Clara Kessous qui déploie des trésors de tendresse vis-à-vis de cette femme plus âgée qui garde jalousement ses souvenirs. Gardons en mémoire ce moment d’émotion intense, le moment du couronnement par les colliers où nous vivons sur une musique de Schubert l’instant fulgurant du passage et de la réconciliation des générations au travers de ces deux femmes qui se refusent à la facilité de l’élégiaque pour prendre cette pièce à bras le corps et en faire un morceau de musique à deux voix…
A la suite de cette représentation unique, la même question courait sur toutes les lèvres : à quand le bonheur d’une production parisienne… ?
 
Laura Beaumont
Journaliste
Monde Littéraire
 
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